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Toponymie historique autour du Pic de Saint-Barthélemy


(Soularac / Soularoc / Tresmons / Tabor / Tava / Tabo / Taba / Tabe / Saint-Barthélemy...)

 

A l'heure actuelle, le massif qui entoure le Pic de Saint-Barthélemy porte indifféremment plusieurs dénomination: Massif du Saint-Barthélemy, Massif de Tabe, ou encore Montagne de Tabe. Pour le Pic lui-même on trouve, à l'époque actuelle, les dénominations "Montagne de Tabe", surtout chez les personnes agées, mais plutôt "Pic de Saint-Barthélemy", qui est la dénomination officielle, utilisée pour la cartographie et les sciences. Dans l'histoire, on relève beaucoup d'autres noms, forgés sur la base de "Mont Thabor". On trouve aussi, quoique beaucoup plus rarement, et de manière limitée dans le temps, fin XVIIIe / début XIXe siècle, la dénomination de "Montagne d'Appi", tirée du nom du village d'Appy situé sur le flanc sud du Massif. Cette multiplicité de noms résulte de l'accumulation des dénominations successives au cours du temps, chacune des dénominations nouvellement introduite venant s'ajouter aux précedentes sans véritablement réussir à les éliminer. Voyons quelles ont été les dénominations de notre montagne au cours du temps.

 

    Le cas du Pic de Saint-Barthélemy:

 

La première mention écrite de notre pic remonte à la fin du XIe siècle, dans un document daté du 25 janvier 1075. Il s'agit d'une charte par laquelle Roger II, Comte de Foix, et son épouse Sicarde font donation au monastère de Cluny de la châtellenie du Lordadais. On y trouve une délimitation grossière du territoire en question, suivie par un inventaire complet des villages qu'il comprend. La délimitation territoriale indique:
"A Stampa videlicet usque Martemara, sive a Tava usque Bel, necnon et ab Alvers usque Surzen sive etiam usque Stampa..."
- Stampa : il s'agit du moulin d'Estampe, un peu en amont d'Unac sur le ruisseau de Caussou (voir p. ex. cartes d'état major 1865 et 1930);
- Martemara : col de Marmare, que l'on atteint à partir d'Estampes en remontant le ruisseau de Caussou;
- Tava : les crêtes de Tabe;
- Bel : ???
- Alvers : village d'Albiès;
- Surzen : Chapelle et étang de Sourdeign, en amont de Verdun;

Une transcription apparemment très soigneuse et raisonnée de cet acte, élaborée à partir de deux originaux et une copie d'époque, se trouve sous le numéro 3480, dans le "Recueil des chartes de Cluny" publié par Alexandre Bruel (tome IV, 1888) disponible sur le site Gallica, dont un extrait se trouve ci-contre. La donation est confirmée en 1076 par une nouvelle charte (ibid. No 3500), mais beaucoup moins détaillée en ce qui concerne les toponymes.

Recueil des chartes de Cluny d'Alexandre Bruel(1888, tome IV): extrait de la charte de donation No 3480, du 25 janvier 1075.
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)


 

La seconde mention écrite est datée du 31 mai 1295, et présente les toponymes "punctas de Tava" et "punctas podii de Tava". Il s'agit d'un document en latin teinté d'occitanisme, précisant les limites des confins montagneux entre les terres du seigneur de Mirepoix et du comte de Foix, à la suite de la dépossession résultant de la croisade contre les albigeois. Le manuscrit se trouve dans les archives du château de Pau, c'est du moins ce qui est indiqué dans la monumentale "Histoire Générale de Languedoc" des bénédictins Vaissete et Devic (édition de 1885, Privat, Tome X, p. 323 des preuves). Devic et Vaissete proposent une retranscription du manuscrit (ibid., pp. 323-328). Noter que cette retranscription moderne possède de nombreuses erreurs sur l'orthographe des noms propres cités (notamment sur les toponymes), dues aux difficultés de lecture de ces manuscrits anciens, étant donné que la forme de plusieurs lettres prête souvent à confusion: notamment, les "a", "u", et "n" sont souvent peu discernables de même que "rn" et "m", "c" et "t" ou encore les majuscules "L", "C", et "T", etc. Les transcripteurs modernes de ces manuscrits, s'ils ont réussi à déchiffrer (ou plutôt, à deviner) le corps du texte grâce aux règles de l'orthographe et la syntaxe, on souvent buté sur les noms propres, surtout s'ils n'étaient pas originaires de la région, comme c'est le cas ici. Ainsi, "Causso" se retrouve estropié en "Lansso", "Comus" en "Cornas" et "Camus", "Tava" en "Cava", etc. .

Il faut noter que le "v" intervocalique dans ces deux sources de 1075 et 1295 fait un peu problème pour l'étymologie, y compris parmi les spécialistes. Si la majeure partie s'accorde à penser que ce mot dérive de "Tabor" après une déformation normale, un auteur moderne s'est néanmoins élevé pour contester cette origine: il s'agit de Jacques Ferlus. Dans son pamphlet "Autour de Montségur, ... de l'Histoire ou des histoires?" (1960), il s'en prend à ceux qui brodent un peu trop par rapport à la vérité historique au sujet de l'épisode de la croisade contre les albigeois dans la région, et au passage, il conteste l'étymologie "Tabor" généralement adoptée pour notre pic. Néanmoins, son argumentation, qui comporte de nombreux points faibles reste largement sujette à caution, et nous nous tiendrons donc ici à l'étymologie qui fait consensus. La graphie "Tava" rencontrée dans ces deux sources peut tout à fait s'expliquer par l'incertitude qui prévaut largement à cette époque entre le "v" et le "b" dans les écrits, ces deux lettres ayant la même prononciation en occitan. Ainsi, les deux mots "Taba" et "Tava" ont une prononciation identique en occitan, assez proche d'ailleurs de ce que nous écririons "Tabo" en français, le "o" final, non-accentué étant cependant peu sonore, presque amui. D'autres toponymes témoignent de cette incertitude constante "v/b" et ont vu leur orthographe varier au gré des sources, comme par exemple Savartensis/Sabarthès, Vestiac/Bestiac, Burbre/Vèbres, Pissavacca/ Pichobaco, Alvers/Albiès, etc. C'est sans doute à cause de l'aspect un peu problématique de ces deux premières mentions "Tava" (1075 et 1295) que bien souvent, elle ne sont pas signalées dans la littérature du vingtième siècle sur le sujet (voir par exemple Sarda, 1994).

Si vous êtes intéressés, voici quelques éléments supplémentaires pour se faire une idée sur cette controverse étymologique.

La mention écrite suivante présente le toponyme "Tabo". Cette mention remonte à 1316, dans un titre de reconnaissance du lordadais, en langue latine. [Archives Départementales 31, Côte 8B 125, n°6]. Il est intéressant de noter que dans cette source, si le "v" et le "b" sont peu discernables à l'initiale (inclinaison de la barre verticale de gauche et ampleur de la boucle), la graphie intercalaire est différente: "u" et "b". Nous avons donc bien "tabo" et non "tavo" dans cette source.

La mention écrite suivante présente le toponyme "Mountanha dé Taba". Cette mention remonte à 1350, dans un document en langue occitane selon lequel les co-seigneurs des environs fixèrent à l'amiable les limites des pâturages de la "Mountanha dé Taba" [il s'agit d'un manuscrit du cartulaire de Boulbonne (côte 254), ainsi que le mentionne Garrigou dans "Etudes historiques sur l'ancien pays de Foix" , 1845, p. 260]. La seule chance de trouver ce document est probablement aux archives départemenatles de l'Ariège.

 

Ainsi qu'il a été signalé plus haut, "Taba/Tava" se prononce "Tabo" en occitan, comme tous les noms ou adjectifs contenant un "A" final non accentué. Cette prononciation est tout à fait compatible avec l'étymologie admise de ce toponyme, qui est issu de "Tabor" ou "Thabor", nom d'origine hébraïque importé en Europe via les écrits évangéliques, et désignant bien sûr le Mont Thabor de Palestine, où le Christ avait subi la Transfiguration en compagnie de quelques disciples. La solidité de cette étymologie réside en grande partie dans le fait que le toponyme "Tabor/Thabor" a toujours été explicitement reconnu comme véritable dénomination de la montagne lorsque il y fait référence par les auteurs anciens que ce soit en langue française (Olhagaray, 1609; Coulon, 1644; Astruc, 1737 ), ou en langue latine (Hélie, 1540; Fabre, 1639). Pour tous ces auteurs, il est donc clair que le "Taba/Tava" occitan en usage localement n'est que la version occitane du nom "Thabor" en latin. Le nom "Tabe" utilisé en français n'est ensuite que l'évidente francisation du "Tabo" occitan.

Mais alors, pourquoi notre Mont porte-t-il le nom d'une lointaine montagne Palestinienne?

Il y a de sérieuses présomptions pour penser que cette dénomination "Tabor" dut apparaître à la grande époque de la christianisation forcée des anciens rites païens, c'est à dire vers le VIIe ou VIIIe siècle après J.C.: les autorités religieuses, voyant qu'un culte païen sur ce mont était très ancré dans les traditions, auraient comme cela était courant, préféré "adapter" ce culte plutôt que de tenter de l'abolir, comme c'était presque toujours le cas. Cette "redéfinition" du culte serait en outre passée par une modification de la dénomination du lieu, afin de le faire correspondre au culte (tout ceci est (sera) expliqué de manière plus détaillée dans la section "Montagne solaire" -- à venir --).
Néanmoins, il n'existe pas de mention connue relative au toponyme "Tabor", dans un écrit en latin ou en langue vulgaire remontant à une plus haute époque, et il est donc difficile de dater avec plus de précision l'apparition de cette dénomination. La seule fourchette de datation que nous pouvons établir pour l'apparition du nom "Tabor" reste donc fort imprécise: les deux bornes que l'on peut avancer résultent du fait que d'une part que ce nom, chrétien par essence, ne peut raisonnablement pas apparaître avant le début de la christianisation de la région (disons vers le IVe siècle), et que d'autre part, à partir de 1075, le nom a déja subi une déformation notable "Tabor => Tabo/Taba", signe d'une utilisation probablement déjà assez ancienne à cette époque. C'est pourquoi, dans cette fourchette de presque mille ans, on doit se contenter de proposer une date aux alentours du VIIe siècle comme la plus plausible, et ce d'autant plus que sa justification par la "récupération" chrétienne d'un culte païen antérieur, est communément admise par plusieurs auteurs (voir la section "Montagne solaire" -- à venir -- ) et que ces "récupérations" se situent majoritairement vers le VIIe siècle.

Toutes les dénominations du pic de Saint-Barthélemy sont liés au christiannisme (Thabor, Barthélemy). On peut donc se demander comment se nommait le pic et le massif avant le christianisme. Comme il est peu probable qu'une montagne si importante, au mégalithisme si riche et puissant, n'ait pas porté de nom plus ancien depuis l'antiquité la plus reculée, ce nom "Tabor" introduit lors le la christianisation est donc venu en remplacement d'un nom plus ancien, perdu ou encore existant. Mais aucun élément ne permet d'éclairer ce point.

Le nom "Saint-Barthélemy" est en comparaison, beaucoup plus récent, mais le mécanisme par lequel ce nom s'est ajouté aux autres est assez peu clair. Dans Olhagaray (1609) la montagne est appelée uniquement "Tabe ou Tabor", mais le pélerinage est mentionné explicitement comme ayant lieu la nuit du 23 au 24 août, qui est le jour de la Saint-Barthélemy. Toutefois, le nom "Saint-Barthélemy" n'est mentionné à aucun moment dans cette source.
De manière similaire, dans Fabre (1639) on ne trouve que "montem Tabor" d'une part et "lacus Sancti-Bartholomaei" ainsi que "Eclesia Bartholomeo Sacrata" d'autre part. Donc tout se passe comme si le mont lui-même s'appelait encore uniquement "Tabor" tandis que les dénominations reliées au nom "Saint-Barthélemy" seraient réservées uniquement au lac et à l'église. En 1644, Coulon n'utilise que le toponyme "Mont Thabor". En 1701, la montagne est désignée dans les écrits de Cassini-I, sous le nom de "Mont S. Barthélemy" ou parfois "Mont S. Barthélemy". Ensuite, en 1730, la carte de Roussel indique: "Montagnes de St Berthelmy & de Tabe" (sic) et juste à côté: "Etangs de Tabe ou de St Berthelmy" (sic). L'attribution du toponyme "Saint-Barthélemy" pour désigner le mont lui-même est donc très probablement survenue entre 1609 et 1701. Ce qui est intéressant dans cette carte de 1730, c'est que les deux noms "Tabe" et "St Berthelmy" sont placés sur un strict pied d'égalité, et cette mise à égalité semble encore renforcée par l'ordre utilisé, puisque dans un cas le nom "Tabe" est placé avant "St Berthelmy", alors que dans l'autre, il est placé après. On peut raisonnablement penser que tous ces indices concourent pour suggérer que l'attribution du nom "Saint-Barthélemy" pour le pic lui-même est tout à fait récente à la date d'édition de la carte (1730). Tout se passe comme si il était indiqué "Montagne de St Berthelmy, anciennement dite de Tabe", ou "Etangs de St Berthelmy, ci-devant Etangs de Tabe". En effet, la nécessité ressentie à deux reprises d'avoir recours à la juxtaposition des deux noms indique que cette juxtaposition est encore nécessaire à cette date pour la compréhension de la carte, et donc que la légitimité de ce nouveau toponyme n'est pas encore entrée dans les faits.
Le même phénomène se reproduit à l'identique dans un écrit presque exactement contemporain: dans Astruc (1737), il est fait mention de "Mont Thabor", puis "montagne de Thabor ou de S. Barthelemi", puis enfin "montagne de S. Barthelemi". La coexistence des deux noms est reprise avec la conjonction "ou" pour préciser une dénomination sans doute trop récente pour être comprise de tous.
En revanche, la carte de Cassini (1783) n'indique plus que "Pic de Saint-Barthélemy", de même que toutes les sources ultérieures.

Si vous êtes interessé, je vous propose quelques pistes pour la génèse du toponyme Saint-Barthélemy

Dans le domaine spécialisé de la cartographie et de la géographie ou de la science, la victoire de la dénomination "Saint-Barthélemy" sur les autres appellations semble avoir été rapide: à partir de 1783, le Pic est toujours et invariablement mentionné par son nom moderne, que ce soit sur les cartes ou dans les écrits scientifiques. La subsistance des anciens noms basés sur "Tabor" est donc l'apanage des univers plus mouvants et affectifs que sont l'Histoire, la légende, le récit, et la vie de tous les jours y compris le pastoralisme. Les raisons pour lesquelles le nouveau toponyme "Saint-Barthélemy" a été forgé, restent cependant assez difficiles à démêler, même s'il est possible de proposer quelques interprétations en ce sens (cf. la section "Montagne solaire" -- à venir -- ).

Pour être vraiment complet, signalons que notre pic possède même un surnom, puisque dans le milieu des randonneurs, surtout, c'est souvent le vocable Saint-Barth' qui est utilisé, avec une connotation plaisante (le "th" final étant ou non prononcé)

Ce qui est un phénomène assez remarquable du point de vue toponymique, c'est cette multiplication des appellations pour un lieu unique, et sutout la persistance de cette mutliplicité à travers les âges. Tout se passe comme si chaque nouveau nom était agrégé au substrat ancien, plutôt qu'il ne venait le recouvrir. Il faut probablement y voir un signe de la fascination ressentie pour ces lieux, qui fait qu'ils reviennent sans cesse dans le discours, dans le récit, dans la légende, et qu'ils ne peuvent donc se contenter d'un nom unique, trop réducteur. C'est comme si chaque nouvelle appellation était accueillie comme une nouvelle source de richesse sémantique, permettant une nouvelle coloration émotionnelle dans le récit, mais ne pouvant pas, à elle seule prétendre éliminer les anciennes dénomination, ni réduire la symbolique si riche et si multiple des lieux sous un vocable unique.

En tout état de cause, il est fascinant de constater que, fait unique dans la toponymie pyrénéenne, toutes les dénominations successives attribuées à cette montagne (Soularac, Tabor, Saint-Barthélémy) possèdent une valeur symbolique très forte, qu'elle soit de nature mystique ou, par la suite, spirituelle et sacrée. On est ici très loin des "Pic de la Chèvre", "Pic Noir", et autres appellations triviales comme celles communément rencontrées alentour. La toponymie du lieu ne se rattache jamais au concret, mais toujours au divin. Cette continuité dans la charge symbolique contenue dans leurs dénominations est bien la preuve d'une perception véritablement partagée, de la part de tous les peuples qui les ont cotoyés, de la puissance évocatrice exceptionnelle émanant de ces sommets.

Sources: AD31 (1316, 1405, 1489, 1535), Hélie (1540), Olhagaray (1609), Fabre (1639), Coulon (1644), Cassini-I (1701), Roussel (1730), Astruc (1737), Cassini-IV (1783), Bruel(1888), Ferlus (1960), Sarda (1994).
Pour les références complètes, voir la page Références bibliographiques et cartographiques

 

    Le cas du Pic de Soularac:

 

Le cas du Pic de Soularac est compliqué lui aussi du point de vue toponymique. Il semble que le pic de Soularac était désigné durant tout le moyen âge par "tresmons" qui correspond au toponyme trimouns actuel. Ainsi dans la série de titres de reconnaissance mentionnée ci-dessus, nous trouvons: tresmouns (1405), tresmons (1489), tres mons (1535).

Durant la période qui s'étale du milieu du XVIe au XIXe siècle, il n'y a pas de mention connue. Les attestations suivantes se trouvent dans le compte rendu de la mesure de la méridienne par Delambre (3 tomes, de 1806 à 1810), suite aux mesures sur le terrain en 1797 par Méchain. Dans cet ouvrage on trouve deux dénominations: "Pic de Lestangtost" d'une part, et "Pic Oriental et le plus haut du Mont Saint-Barthélemy" (ouf!) d'autre part. Ces deux toponymes, qu'il faut donc dater de 1797, parlent d'eux mêmes, puisque la dénomination "Lestangtost" se rapporte, après une étrange déformation, à "l'Estang Tort" que l'on trouve sur le flanc Est du Soularac. Une trentaine d'années plus tard, c'est au tour de Corabeuf (1832) de baptiser le pic qu'il toise, dans son mémoire concernant les opérations géodésiques. Le nom devient dans ce mémoire: "Pic de Lestangtot", par une nouvelle déformation sur le même thème. Chausenque (1834, rééd. 2006) va encore plus loin dans la déformation avec son "Pic de Lestanglot". Le rapport de Corabeuf (également cité dans Chausenque, 1834, 2006) mentionne bien l'altitude correcte (2369m) mais alors, il faut penser que ce nom "Lestangtot" est tellement éloigné des pratiques courantes et des relevés toponymiques effectués auprès de la population, que les cartographes ne sauront apparemment pas de quel pic il s'agit et qu'ils le passent purement et simplement aux oubliettes ! En effet, sur toutes les cartes du XIXe siècle sans exception, le Pic de Soularac figure avec le nom moderne, mais l'altitude erronée de 2343m, preuve que personne, dans les services cartographiques, n'a compris qu'il s'agit du pic que Corabeuf a mesuré, et baptisé sous le nom de "Lestangtot". D'ailleurs, cette bizarrerie pourrait expliquer le fait que l'altitude mentionnée pour ce pic non nommé soit restée erronée aussi longtemps sur les cartes d'Etat Major, en dépit de toute évidence : personne après Corabeuf, n'a dû aller refaire les mesures géodésique au cours du XIXe siècle, et ce pic a gardé son altitude erronée datant probablement d'une campagne antérieure à celle de Corabeuf, mesure que l'on pourrait logiquement attribuer à Reboul et Vidal. L'enquête toponymique initiale auprès des populations (effectuée séparément des campagnes géodésique, rappelons-le) a dû fournir le toponyme "Soularac" puisque c'est celui-ci qui apparaît dès les premières cartes d'Etat Major.

Dans l'état actuel des connaissances, on ne peut pas vraiment dater l'apparition du nom "Soularac" dans la désignation orale, ni l'époque à laquelle remonte son application au seul pic oriental spécialement. Tout ce que l'on peut dire, c'est que le nom Soularac est le nom le plus usité en 1826, d'autres noms pouvant exister localement ou anecdotiquement (Lestangtost, Lestanglot, pic de l'Estang Tort et même de Stantor, puis de Stentor !).

A noter que E. Belloc (1904), toponymiste distingué et respecté du domaine pyrénéen, s'obstine à n'employer que la dénomination "pic de Soularoc" pour désigner l'actuel pic de Soularac (cf. pp. 30 et 36). Si cette forme avait effectivement existé, cela plaiderait en faveur d'une étymologie de type "Roc du Soleil", et donc pour une très haute antiquité du toponyme. Cependant, il n'existe, à notre connaissance, aucune attestation ancienne de "Soularoc".

Le toponyme "Soularac" pourrait être rattaché à "Soula-Rac" (Rocher du soleil?, ou Roc du Soleil? ) c'est à dire à un toponyme qui évoque des croyances ou des rites solaires préhistoriques, beaucoup plus anciens que le christianisme et le panthéon romain. Ce toponyme "Soularac" pourrait donc remonter à une époque très ancienne et être parvenu jusqu'à nous par la latinisation et/ou l'occitanisation d'un toponyme bien plus ancien. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que la famille "Roc, Roche, Rocher" n'est pas une famille latine, mais dérive du mot "`Rocca", étymon d'origine pré-latine inconnue.



Références

AD31 (1404, 1489, 1535), Delambre (1806,1810), Corabeuf (1832), Chausenque (1834, rééd. 2006), Belloc (1904), Ferlus (1960),Mare-Vene (1988).
Pour les références complètes, voir la page Références bibliographiques et cartographiques

 


Page mise à jour le 25/09/2012.